La dynamique de votre prénom
Votre prénom est la première image que vous renvoyez au monde… parfois avant même d’être nés. Pas question de superstitions ici mais bien de sciences humaines.
À quel point le prénom qu’on vous a choisi joue-t-il un rôle dans votre existence ?
Les prénoms occupent une place importante en psychogénéalogie offrant un accès privilégié à la compréhension des dynamiques familiales et des liens générationnels.
Le prénom et notre image du corps
De tous les phonèmes, mots que l’enfant entend depuis sa naissance, son prénom va représenter une place primordiale. Le prénom assure une cohésion narcissique, car il est lié au corps et à la présence d’autrui (nous écoutons aussi avec la peau – voir les travaux du chercheur Takayuki Ito).
Entre autres, il contribue de façon déterminante à la structuration des images du corps, même les plus archaïques.
Il s’avère que, même dans le sommeil profond, le fait de prénommer quelqu’un peut le réveiller.
L’utilisation des surnoms et des petits mots doux
Le prénom est en priorité le signifiant du rapport à la mère dès la naissance du bébé. À condition qu’il ne soit pas escamoté sans cesse par des surnoms réducteurs (exemples : Mimi pour Michelle ou Bébert pour Robert). Continuer d’appeler uniquement son enfant par des petits mots tendres, comme « bout de chou », « mon trésor » ou ma « noisette » devrait être stoppé au moment du sevrage ou de la propreté sphinctérienne.
Le cas de Frédéric – Françoise Dolto*
Pour illustrer mes propos, voici le cas clinique rapporté par Françoise Dolto concernant cet enfant reçu en consultation à sept ans. Il présentait des symptômes d’apparence psychotique.
Ce garçon a été abandonné après sa naissance par ses géniteurs. Il fut placé en pouponnière avant d’être adopté à onze mois. Ses parents adoptifs lui ont attribué un nouveau prénom : Frédéric. Mais personne n’n informa Françoise Dolto.
Grâce au travail psychothérapeutique, son intelligence se développe et son incontinence sphinctérienne est résolue. En revanche, il refuse de lire et reste incapable d’écrire. Dolto observe qu’il se sert de la lettre A qu’il distribue un peu partout dans ses dessins, écrite dans tous les sens. Tandis qu’elle lui demande s’il s’agit bien de cette première lettre de l’alphabet, il répond un « oui » sur l’aspiration.
Intuitive, la psychanalyste d’enfants cherche à comprendre qui pourrait être désigné par ces A. Personne au sein de sa famille n’a un prénom commençant par cette lettre.
Le changement de prénom
Sa mère adoptive finira par avouer que l’enfant portait le prénom d’Armand jusqu’à son adoption. Aussitôt Françoise Dolto perçoit-elle l’importance de la prédominance de la lettre A à travers les nombreux dessins. L’enfant a certainement souffert de ce changement de prénom.
C’est alors qu’il lui vint l’idée géniale de l’appeler à la cantonade, sans le regarder. Elle ne s’adressa pas à sa personne directement mais, avec une voix élevée, d’intonations et de tonalités différentes, sa tête tournant dans toutes les directions des points cardinaux : « Armand… Armand… Armand… »
Soudain l’enfant se mit à tendre l’oreille vers tous les coins de la pièce. Sans regarder sa thérapeute, sans qu’elle ne continue de le regarder. Et tout à coup les yeux de l’enfant rencontrèrent ceux de Françoise Dolto. Ils brillaient alors d’une exceptionnelle intensité tandis qu’elle lui dit : « Armand, c’est ton prénom quand tu as été adopté ! »
Le sujet Armand, dé-nommé, pouvait alors renouer son image du corps de nourrisson à celle du petit garçon renommé Frédéric. Il avait besoin d’entendre son prénom initial d’une voix neutre dans l’espace de la réalité actuelle. En écho, il retrouvait le genre de voix des puéricultrices inconnues qu’il avait entendues quand on parlait de lui ou qu’on l’appelait, lorsqu’il était en pouponnière. La transition n’avait pas pu se faire.
Cette retrouvaille initiale induite par le transfert à sa psychanalyste a permis à Frédéric de dépasser ses difficultés initiales à lire et à écrire.
Conclusion :
Cette prégnance des phonèmes les plus anciens, dont le prénom est l’exemple type, montre que l’image du corps est la trace structurale de l’histoire émotionnelle d’un être humain. Le prénom va être énoncé à travers de nombreuses expressions en fonction de l’état émotionnel de l’entourage (émerveillement, agacement, indifférence ou amour).
Nous comprenons alors qu’il ne laissera pas les mêmes traces sur l’enfant en pleine évolution selon la façon d’être prononcé.
* Cf : « l’image inconsciente du corps » Françoise Dolto – Éditions Points
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Muriel Pactat
Mes clients me considèrent comme une thérapeute sérieuse et accueillante, émaillant son travail intuitif d’épisodes ludiques qui allègent les aspects émouvants de ses consultations en numérologie, en art-thérapie et en psychogénéalogie.
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